Entretien avec Sandrine Do, game designer

Sandrine DO, PAM 2010, Game Designer à Scientifically Proven Entertainment, Ypsilanti, Etat du Michigan, Etats-Unis

  1. Pourrais-tu nous parler en quelques mots de tes études et de ton parcours professionnel ?

Comme vous le savez, j’ai suivi la majeure PAM à TEM. Cependant, au lieu de faire mon séjour à l’étranger avant ma troisième année, je l’ai repoussé à après mon stage de fin d’étude (en extension de scolarité donc). Je suis partie à Michigan State University, au départ pour un semestre (afin de finir mon diplôme) mais arrivée là-bas, je me suis rendue compte qu’ils offraient des cours de Game Design & Développement. J’ai donc décidé de rester pour un autre Master. J’ai été diplômée en Avril 2012 et ensuite j’ai bénéficié d’un programme d’extension de visa pour pouvoir travailler aux États-Unis pendant deux ans. J’ai d’abord été embauchée dans une compagnie qui s’appelait Pixo Entertainment (maintenant devenue Pixo Group) initialement comme Game Designer. Cette compagnie qui créait des jeux a ensuite migré son cœur de métier vers les applications mobiles et tablettes juste après m’avoir embauchée. J’ai du donc changer de métier moi aussi et devenir UX Designer. Ceci créa des redondances au sein de l’entreprise et ils ont du me « laisser partir » après seulement six mois. Après cela j’ai trouvé un autre boulot à Scientifically Proven Entertainment (SPE), toujours au Michigan en tant que Junior Game Designer cette fois. 

  1. Pourrais-tu nous parler de ton entreprise ? Pourquoi ce secteur ?

Aujourd’hui c’est un peu compliqué, j’ai toujours mon poste chez SPE, mais je ne travaille pas. J’attends ma carte verte et je ne suis pas autorisée à travailler entre temps. Scientifically Proven Entertainment est un studio de jeux vidéo indépendant. Cela veut dire que le studio ne reçoit pas d’avance de la part d’un éditeur. Nous créons des jeux dont nous gardons la propriété intellectuelle. Ce qui veut également dire que ne nous sommes payés que si notre jeu se vend. Nous avons sorti un jeu qui s’appelle Blood of the Werewolf et qui est disponible sur Steam (PC), Xbox 360 et PS3. 

J’ai plongé dans ce secteur car les jeux vidéos ont toujours été présents dans ma vie. C’est un peu ma passion qui est devenue une réalité. Malgré cela, c’est un secteur extrêmement difficile qui peut payer mais qui bien souvent ne paye pas. 

  1. Pourrais-tu nous décrire le rôle d’un Game Designer ?  Une journée type, les tâches et difficultés ?

La journée type dépend du moment où l’on se trouve au cours du projet. 

Si on est au début du projet (pré-production), le rôle du Game Designer se fait sur papier en général. On « brainstorm » avec le lead designer sur les grandes lignes du jeu : quel genre? Quel look? Quels modes? En ligne ou pas? Quelles plateformes ? Etc. On garde tout documenté dans un Game Design Document (GDD). Le GDD c’est un peu le graal de l’équipe. TOUT, absolument TOUT ce qui concerne le jeu doit y être : aspect graphique, technique, tout. Tout le monde doit pouvoir être capable de trouver une réponse dans le GDD. Il est souvent accompagné par un Technical Design Document (TDD) où on aborde les choses plus techniques (pour les programmeurs). 

En général cette phase est suivie d’une phase de prototyping ou on crée un prototype, dit rapide, qui est moche, juste pour ébaucher le jeu. A ce moment, on fait beaucoup de réunions informelles. On travaille directement avec le programmeur. 

Ensuite, on passe à l’exécution. En tant que game designer, je travaille beaucoup dans « l’engine ». C’est un programme qui contient un simulateur de physique. Par exemple pour créer un niveau, je travaille d’abord sur papier et je commence une ébauche avec des cubes. Ensuite, il y a des points avec les artistes pour rendre tout ça joli. Je fais également un peu de scripting (exemple: si mon personnage passe ce point, détruire le pont derrière lui pour l’obliger à avancer). 

Je vais travailler comme cela jusqu’à la phase alpha où notre jeu est censé marcher dans les grandes lignes mais toujours avec des bugs. On peut changer des passages du jeu mais rien de majeur. 

Enfin vient la phase Beta où on teste. On teste sans relâche pour trouver le maximum de bugs. Lors de la phase beta on n’introduit plus de changement dans l’expérience de jeu. On cherche seulement les trucs qui ne marchent pas, qui ne s’affichent pas correctement, qui font crasher le jeu, etc. Quand on trouve un bug, il faut le reporter dans un logiciel spécialement fait pour ça. En tant que studio tout petit (10 personnes) nous nous occupons de cette phase nous même et tout le monde y participe. La phase beta contient elle-même beaucoup de phases où l’on teste, corrige les bugs, envoie un candidat aux plateformes (Xbox, PS3 etc) qui le testeront selon leur protocole. Et cela se répète jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de bugs. 

C’est à ce moment là que l’on arrive à la phase Gold. A ce moment là, personne n’a plus grand chose à faire mis-à-part attendre que le jeu sorte. Dans notre cas, après avoir été Gold sur PC, on s’est mis à retravailler sur le jeu pour la sortie PS3 et Xbox. Donc encore beaucoup de testing. 

  1. Pourrais-tu nous parler de la fonction de chef de projet dans le jeu vidéo ?

Même si techniquement les jeux vidéo sont gérés en mode projet, je ne suis pas moi-même un chef de projet. Le rôle qui se rapproche le plus du chef de projet dans le secteur du jeu serait Producer. C’est lui qui chaperonne toutes les équipes (créative, artistique et technique). Le chef de projet est un chef d’orchestre qui fait en sorte que tout le travail des équipes s’accorde. Pour être plus spécifique, il gère le planning et les livrables, il lubrifie la communication entre les départements, rappelle les deadlines, et rapporte aux supérieurs. 

  1. Un conseil pour quelqu’un qui souhaiterait travailler dans les jeux vidéos ? 

Pour travailler dans les jeux vidéos il faut être passionné. On ne travaille pas pour l’argent (au moins au début). Privilégier l’expérience au salaire au début, c’est comme cela que j’ai rencontré des « vétérans » du secteur. Il est bon d’avoir du soutien en dehors du secteur. Il faut également être prêt à bouger là où le boulot est présent. J’ai eu une chance incroyable de trouver un emploi au Michigan mais je me prépare à déménager vers la Californie où j’espère que les cieux seront plus propices. 

  1. Quels avantages t’a apporté PAM dans ta vie professionnelle ?

L’éducation managériale est un très très gros atout pour moi. Même si je suis tombée du côté créatif, je comprends pourquoi certaines décisions sont prises lors d’un projet. Et donc je pense que je suis mieux apte à rebondir sur ces décisions et faire du mieux que je peux avec les moyens qui me sont donnés.